Cours, spisdiconnasse, cours!

Internaute,

tu n’es pas sans savoir que depuis quelques années je pratique la course à pied (avec un succès mitigé, mais là n’est pas la question.) J’ai donc testé plusieurs formats de compétition, allant du 6 km à mes débuts au terrible semi marathon sa mère de cette année.

Le running, donc, cet espace de liberté où mettre un pied devant l’autre devient sueur et bonheur simple. Une bulle de paix dans un monde hostile, face à face avec soi-même, où chacune se rend compte qu’elle peut bien plus physiquement qu’elle ne l’aurait pensé, car oui, Internaute, naître femme, c’est aussi naître faible, soi-disant. Avec le running m’est venue la sensation nouvelle et euphorisante d’avoir de la force dans mon corps, et des muscles nombreux avec des pieds au bout -très utiles pour botter des culs le cas échéant.

Mais ça, c’était compter sans les marketeux du sport. Constatant l’engouement certain et nouveau de la femelle pour cette activité peu coûteuse, ces derniers ont vite eu la riche idée de créer des courses à foison, labellisées réservées aux femmes. « La Parisienne » de septembre avec ses 30 000 participantes en est l’exemple le plus flagrant, mais on pourrait citer églament la Naïke « we own the night ».Eh, les marketeux, ça vous gêne pas, de discriminer ces messieurs comme ça? Eh, les pouvoirs publics, ça ne vous perturbe pas, d’autoriser ces parcours sur votre commune? Comme c’est les hommes, c’est pas grave? Ah d’accord.

Soit. Mais concernant cette soi-disant course caritative contre le cancer du sein  « La Parisienne », quel est le message que vous voulez envoyer par l’absence des hommes? Que le cancer du sein, ça ne les regarde pas? Il faut forcément avoir des boobs pour vouloir s’impliquer dans la recherche? On ne peut pas courir pour sa soeur, sa femme, une amie, pour le geste? Je suis désolée, j’ai pas compris l’idée.

J’ai aussi un souci avec le slogan « we own the night », « la nuit est à nous », donc. Ca veut dire quoi, exactement? Qu’avec des hommes, on ne pourrait pas se l’approprier? On ne peut pas partager? Ou alors on a envie, en bonnes commères, de rester entre nous pour sentir cette fabuleuse féminité qui nous est propre, dans un instant fugace où ce serait nous les maîtresses du monde? (enfin juste la nuit hein, le jour le mâle reprend ses droits.)

J’irai même plus loin: je crois que ces courses réservées aux femmes, en plus d’être odieusement discriminatoires, jouent sur notre impression ancestrale de ne pas pouvoir nous mesurer aux hommes. Entre femmes, on se sentira moins ridicules, on osera traîner nos grosses fesses graisseuses et molles, parce qu’entre faibles, on se comprend et on se soutient. Or, même s’il est indéniable que l’homme court potentiellement plus vite que la femme sur une même distance, je rappelle tout de même que ça n’est vrai qu’à très haut niveau. En compétition mixte, je sais que c’est incroyable mais fréquemment il m’arrive de dépasser des hommes! Crime de lèse majesté! Je m’entraîne parfois avec des garçons, sans me dire que je vais les ralentir! Mes ovaires, galvanisés par cette présence contre nature de testicules dans le périmètre, ne s’en laissent pas conter, c’est foufou ça!

des conseils très sportifs et très pertinents sur "courir au féminin" chez runners.fr

Reste enfin que la profusion de rubriques  « courir au féminin » sur les sites généralistes de grande audience (hein, runners.fr!) me conforte dans l’idée qu’on tient absolument à nous écarter de la démarche sportive. Quand t’es une femme, on t’y propose que tu ne cours pas pour l’effort, mais pour maigrir et être bien bonnasse. D’ailleurs, tu ne mets pas comme les hommes un pied devant l’autre, élégance oblige tu cales deux-trois arabesques sur les récups de fractionné, et quand tu te blesses, c’est pas aux ligaments croisés du genou que t’as la luxation mais aux trompes de Fallope. Oui, je sais que pour courir j’ai besoin d’un bon soutif, et alors? Les mecs, on ne leur pond pas un onglet « courir au masculin » pour leur montrer des calebuts qui maintiennent bien les bourses! Et puis, à part le sexisme larvé, rien n’empêche de faire une page générale sur les sous vêtements, tu la perçois maintenant la grosse discrimination?

Quid des enfants, me diras-tu Internaute, et tu auras raison. Eh bien, malgré leurs capacités sportives rigoureusement équivalentes avant la puberté, il y a toujours un moyen de subtilement rappeler les prérogatives de chacun, la preuve:

Devant, fulgurants et chatoyants, des petits mecs victorieux. Derrière, à la traîne et en rose, une petite meuf.

Une petite fille osera-t-elle venir en chevalier? Un garçon en princesse? Je te laisse y réfléchir, je vais pleurer plus loin.


Ce contenu a été publié dans (mauvaise) humeur, Non classé, Ze blog. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

4 réponses à Cours, spisdiconnasse, cours!

  1. Speedy dit :

    Règlement de course de la Parisienne 2015 : « La Parisienne est une course pédestre ouverte uniquement aux femmes ». Est-ce légal ou condamnable pour discrimination ? Quand il s’agit des femmes il faut trouver ça cool et parler d’autre chose. Mais une course ouverte uniquement aux hommes, ça ne dérangerait personne ? Et une course ouverte uniquement aux blancs ? Une course ouverte uniquement aux noirs ? Là y’a un truc qui me dépasse. Que des milliers de femmes cautionnent la discrimination en participant à ces courses interdites aux hommes alors qu’aucune course n’est interdite aux femmes, ça aussi ça me laisse sur le cul.

    • Linoacity dit :

      C’est pas exactement ce que dit cet article? Il n’est pas normal de discriminer les hommes et de les exclure de certaines courses, je ne comprends pas que ce soit autorisé (3eme paragraphe). Ici c’est un blog antisexiste, je suis contre les discriminations, à l’égard des hommes et des femmes. Les deux sont une face de la même médaille. J’ai fait pas mal de papiers aussi sur les clichés sur les hommes dans la pub, parce que franchement, c’est souvent scandaleux aussi!

      • Speedy dit :

        C’est bien ce que dit l’article, je donnais juste mon point de vue aussi. C’est amusant de voir les campagnes d’information et de lutte contre le sexisme, le racisme et l’anti-sémitisme dans le sport, pendant qu’on autorise les courses et entrainements ouvertement labellisés « 100% féminin ». Quand les femmes sont victimes de discrimination c’est inadmissible, quand elles en sont les bénéficiaires les choses deviennent bien moins claires.

  2. christo dit :

    Au choix
    Si Marie-Jo est déguisée en Casimodo pendant la course, alors la cohérence du « vivre ensemble dans monde merveilleux qui ne connait pas de misère » est conforme au politiquement correct. Les critiqueurs sont harceleurs du « vivre ensemble etc… »
    Si Marie-Jo est toute nue et les enfants aussi pendant la course, c’est pédophilie.
    Si Marie-Jo et les enfants sont tous nus avec l’autocollant « simply market » c’est du sponsoring bio, créatif et qui surmonte les genres et les races (je bosse dans la com).
    Simple, le choix c’est la liberté

Répondre à Speedy Annuler la réponse.

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *