Internaute,
Salut.
Je ne sais pas si tu as remarqué, mais en ce moment il y a un truc qui chiffonne pas mal de gens, entre autres moi, ( mais le monsieur du Bonjour Tristresse aussi est passablement contrarié à ce propos), et ce truc, c’est la « réforme » du code du travail. Crevons l’abcès, parce que là, je suis pas bien.
Pour te la faire courte, le code du travail c’est quoi? C’est un ensemble de lois qui expliquent à ton patron dans quelles limites il peut te demander de lui consacrer ta vie, en gros, c’est ça qui fait la différence entre toi et un esclave. Et ça, figure-toi que c’est un truc nouveau dans la société des hommes! Les congés payés, la médecine du travail l’interdiction d’employer des enfants, les indemnités de licenciement, la retraite, autant de garanties pour toi petite main qui ne plaisaient pas du tout à ton gentil patron, il y a de ça à peine 100 ans… Mais les grèves générales et le Front Populaire de 36 lui ont bien fait sentir qu’en cas de baston avec les prolos, il risquait de pas avoir le dessus, et je te parle pas de la cérémonie de clôture du gouvernement de Vichy, où ton patron, chopé la langue dans la raie du cul des allemands, a bien été obligé de te céder, la mort dans l’âme, toutes les avancées sociales que tu lui demandais pour échapper à un rasage de couilles en place publique.
Je vais pas te faire un tableau excel sur le avant/ après la réforme du code du travail, d’autres s’en sont chargés mieux que moi, mais à la place, une fois n’est pas coutume, je vais te raconter une petite tranche de vie. Celle où je me suis fait licencier (car oui, avant de devenir blogueuse de renommée mondiale j’ai fait un tas de boulots, d’aide à domicile à vendeuse en prêt à porter, en passant par pigiste, vendangeuse, ou prof particulière). Pour que tu comprennes bien à quel point tu dois chérir ce texte qu’on voudrait que tu considères comme ton ennemi depuis que Hollande a fait son coming out de droite.
Il se trouve qu’un jour, un de mes patrons, qui m’employait dans le cadre d’un contrat sans date de fin depuis 4 ans, a cessé de m’appeler pour me donner du travail. Juste comme ça, en toute détente. J’envoie des mails, j’appelle pour demander du taf, et on me répond au secrétariat qu’il est en réunion ou en voyage, et la blague dure 3 mois (tu me diras: j’avais un autre boulot en parallèle, certes, mais moi je suis comme ça, j’aime bien comprendre pourquoi on me rappelle pas, et pas que dans le cadre du taf soi dit en passant). Me voilà donc avec de quoi suspecter qu’on est en train de me licencier en faisant semblant de pas s’en rendre compte, un peu comme le type qui a glissé sans faire exprès dans la chatte de la dame qui porte plainte pour viol.
Et ça vois-tu Internaute, j’avais la chance, parce que je l’ai un peu lu, de savoir que c’est interdit par le code du travail, le fameux. Non seulement tu dois prévenir la dame qu’à partir de dorénavant elle ira se faire foutre à la fin du mois, mais en plus, tu dois lui expliquer pourquoi, et ça à intérêt à être crédible, parce qu’on ne peut pas licencier quelqu’un qui n’a pas commis de faute quand on n’a pas de problèmes de sous dans sa boîte. Or, la boîte roulait sur l’or et les joyaux et je savais pertinemment que j’étais une brave fille, d’où certainement ce mystérieux silence au moment de rompre notre contrat. Munie de mon plus beau flûtiau je me fends d’un mail à la DRH pour demander un RV, parce que vois-tu, avant d’aller à la castagne aux prud’hommes pour tenter d’extraire de mon cul ce licenciement introduit sans les précautions d’usage, il me fallait faire la preuve qu’aucune conciliation n’était possible avec l’entreprise. Un peu genre on te donne une chance de faire comme si c’était une malheureuse erreur de gestion. Je précise avec mes salutations distinguées que je compte sur elle pour faire respecter mes droits. Qui donc, à défaut d’être gravés en lettres de feu dans la tête du boss, avaient au moins le mérite de figurer noir sur blanc dans le fucking code du travail si cher à mon coeur de salariée bien renseignée.
La DRH, qui n’est pas la moitié d’une conne, comprend vite qu’elle est dans la crotte vu mon ancienneté, mon ton, et les mails de la secrétaire de mon boss que je lui flanque en annexe, et elle me rencarde, tu sais, un peu comme pour le fameux entretien préalable à un licenciement que j’aurais dû avoir il y a trois mois pour parler du pognon que je veux en échange d’un départ volontaire de la boîte, seule situation leur permettant légalement de se séparer de moi. Fin de l’histoire? Que nenni! Car vois -tu Internaute, ce qui est incroyable avec la boîte, c’est que même avec notre beau code du travail soi-disant pas adapté, madame la DRH en mode kamikaze espérait toujours que j’allais ignorer mes droits et qu’elle pourrait me gratter un max. Comme quoi ça avait déjà dû marcher sur d’autres.
Donc le jour J, voilà qu’elle me propose deux mois d’indemnités de départ. Je la regarde en me demandant à quel moment la caméra cachée sort de sous la table, mais non, c’est pas une blague.
« Comment ça, deux mois, c’est votre convention collective qui est comme ça?
_Oui oui.
_ Mais, Madame la DRH, vous savez bien que cette convention est illégale, elle propose moins que le code du travail. Vous me devez un mois de préavis par année entamée dans votre entreprise, et un mois d’indemnités de licenciement, ça fait 8 mois de salaire!
_ Oui, si vous étiez en CDI, mais vous étiez une main d’oeuvre occasionnelle.
_ Une main d’oeuvre occasionnelle avec un contrat sans date de fin et qui a bossé tous les mois pendant 4 ans ça s’appelle un salarié en CDI vous savez.
_ Bon écoutez, ça commence à bien faire, vous êtes là pour quoi au juste?
_ Je vais vous la faire simple: je suis là pour mes indemnités, mon préavis, et pour montrer aux prud’hommes que malgré tous mes efforts vous ne voulez pas respecter la loi. Ca vous est jamais arrivé qu’un de vos précaires vous mette les textes sous le nez?
_ Les salariés qu’on licencie n’ont pas pour habitude de me parler avec ce petit ton péremptoire.
_ Première nouvelle, vous me licenciez?
_ Ah bah ça fait trois mois qu’on vous emploie plus et vous vous demandez pas pourquoi?
_ Alors, d’une, on va arrêter d’inverser les rôles, c’est à vous de me dire pourquoi et si possible d’être en mesure légale de le faire. De deux on va arrêter aussi d’insulter nos intelligences respectives car j’imagine que vous connaissez le code du travail, le truc c’est que moi aussi. Donc, je veux mes huit mois, plus une proposition convenable pour que j’accepte votre licenciement abusif, et je crois bien que vous allez prendre votre calculette maintenant et y mettre des zéros, parce que vous savez très bien que le juge me donnera raison. J’attends votre proposition, et si elle me fait autant de peine que la première on se verra au tribunal, parce que figurez-vous que non seulement je suis péremptoire mais vu votre façon de me parler je crois que j’ai aussi tout mon temps pour monter un beau dossier et vous prendre un max, ça va même bien m’amuser. »
Et voilà comment, Internaute, par le pouvoir sacré du code du travail, je me suis dégommé une DRH en tailleur Chanel et j’ai récupéré tout mon dû plus un bonus sous forme de chèque autour d’un petit café de conciliation. Dans cette boîte qui n’emploie que des salariés précaires, qui ont peur pour leur job, et qui n’osent pas se syndiquer, il serait très facile de faire voter des conventions collectives inférieures au code du travail en menaçant de virer tout le monde. Sauf que c’est interdit. Pour l’instant.
Alors si toi aussi tu kiffes le code du travail, signe la pétition , et bouge ton cul pour le défendre.
Et en attendant le prochain post, n’oublie pas de cotiser pour ta retraite.
Bravoooo! Go girl, go !